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Souvenirs d'un bizut de 6ème interné au Lycée en 1941-42 (Georges Maurice MAURY)

 INTERNATBourses, première série, passées avec succès, mais pour le Collège de Mauriac attribuées... Mon ancien instituteur Paul Chaussade de Trizac, d'insister... pour que j'aille au Lycée E. Duclaux où son frère Claude devait aussi entrer en seconde cette année-là. Le proviseur consulté avait affirmé que, passant les bourses du deuxième degré quand on était élève de l'établissement, la suite paraissait aller de soi...

Et mes parents de faire le sacrifice de payer les frais de pension en entier...même si cela leur coûtait.

Vint la préparation du trousseau... le N°21 m'était attribué... il fallait partout le marquer... Et des choses extraordinaires étaient demandées... une paire de gants (je ne connaissais que les mitaines !) un costume bleu marine... une casquette avec les palmes académiques... une brosse à dents... deux pyjamas... des choses que je ne connaissais pas ... des caleçons, sans préciser... ce qui me valut, plus tard, de retrouver un dimanche sur mon lit bien installés... des caleçons longs... en usage dans les montagnes du Nord-Cantal... et des pantalons courts...

malgré les soins d'une lingère, par ailleurs fort sympathique et très attentionnée..., qu'à la récré de 10 heures on retrouvait quand un mouchoir nous manquait.

Vint la veille de la rentrée. Et le soir, au moment de me quitter, mes parents me virent tellement angoissé qu'ils obtinrent l'autorisation de me garder avec eux jusqu'au lendemain matin, ce que le censeur Tongas, pas aussi dur qu'on l'a souvent décrit ou décrié... accepta.

Nous couchâmes à l'Hôtel du Commerce près du Square. Je ne pus rien manger sans aussitôt le restituer et ne dormis guère de la nuit... avant de gagner, au matin, le Lycée !

Contrairement à certains, des externes pour la plupart, libres ou plus ou moins surveilés... je ne ferai pas la toilette des souvenirs du Lycée... Je crois savoir ce dont je parle, j'ai derrière moi 7 ans de pension, 3 années de pion et deux ans d'armée... Années de pension, années de prison !

Je me contenterai d'attirer sur quelques points l'attention... même si les choses ont, et heureusement, changé. Là-dessus, depuis longtemps et pas seulement depuis le temps « des geôles de jeunesse captive et des cris d'enfants suppliciés », du temps des pensionnats de Chateaubriand !

Deux choses essentielles dans la vie d'un interne m'ont marqué : le dortoir et le réfectoire...

Avant de monter les escaliers pour gagner le dortoir, le silence absolu était exigé, censeur et surveillant général étaient là pour y veiller... Et toujours le silence complet, aux lavabos comme au lit ensuite... La première nuit, je ne dormis guère, quand j'entendais le train siffler, je mordais mes draps pour mes sanglots les étouffer... Je songeais à mes parents qui m'avaient dit en me quittant que si j'étais là, c'était pour mon bien, et que, plus tard, je les en remercierais.... Avaient-ils raison ? Moi j'eusse préféré rester au « cul des vaches »... Pas loin de 70 ans plus tard, il m'arrive parfois de le regretter ! Le silence au dortoir, j'avais du mal à le supporter : une nuit, le pion s'absenta un moment, peut-être pour aller aux WC, et tout le petit monde de discuter sans chahuter... Il revint et à chacun des trente, passa deux gifles en faisant le tour des lits... Meyer, tes calottes je ne les ai toujours pas digérées... Heureusement, il y avait un jour par semaine les roulants, Madelrieu, le talonneur, élève-maître, et Grimal qui nous traitaient plus humainement.

Cependant, tout était problème même d'aller dans la cour le matin aux cabinets où les plus anciens de 5ème ou 4ème en nous traitant de haut, passaient devant.

Les cabinets, tout un problème ! Pour y aller pendant une étude de 5 à 7 il fallait auparavant aller chercher chez le censeur un billet ! Un soir que j'avais mal au ventre, j'y fus contraint et le censeur de sa grosse voix de s'écrier : « Mais vous êtes tous malades dans cette 6ème étude... de quoi vous laisser constipés ou de vous donner la diarrhée ».

Je veux parler aussi du réfectoire : j'avais dû, hasard ou pas (?) compléter une table tout au bout d'une de huit, et j'y étais resté affecté, le seul sixième et les autres de quatrième ou troisième, qui n'étaient plus des enfants et qui surtout avaient faim... Moi, j'étais largement " ramsé " et j'essayais de me rattraper à quatre heures avec la caisse à provisions, mais un jour je la trouvai vide avec le cadenas coupé...

Au réfectoire il n'y avait pas le « self-service » hélas ! mais il y avait le « racket » ! Je ne veux pas me glorifier, mais plus tard, quand j'ai été pion, j'ai toujours laissé parler pas trop fort ni trop longtemps, mais gentiment au dortoir... et toujours veillé à une juste répartition des rations au réfectoire !

Et puis, à table j'étais difficile : j'avais horreur des tripoux, servis une fois par semaine et qui me donnaient la nausée, horreur du hachis Parmentier... et des olives dans les bouchées... J'étais habitué à d'autres soupes et avant tout à l'"olada "... à la potée.

Par ailleurs, en classe cela ne se passait pas mal. Je mordais assez bien au latin avec Cibié que j'ai eu longtemps ensuite comme collègue et grâce, en étude, au répétiteur, le père Peyral, tout comme Peyrouse en gymnastique, une discipline qui me plaisait... plus que l'anglais ! Pour le reste, je vivais surtout sur mon acquis.

Je songe aux promenades en rangs serrés... à celles des dimanches en particulier quand d'autres privilégiés attendaient sous la galerie que leurs correspondants vinssent au parloir les chercher avant d'être libérés... Moi, cela ne m'est arrivé que trois ou quatre fois dans l'année pour aller chez la fille d'une voisine du village natal, à Aurillac exilée et pleine de bonne volonté...

Je me souviens des vacances de Toussaint en 1941... Il y avait une bonne couche de neige et des congères à Landeyrat où le train de Neussargues-Bort ne passait pas... « T'en fais pas me dit Claude Chaussade, nous partirons par Mauriac et Saignes »... J'allai jusqu'à Bort où vint me chercher un taxi commandé de Riom par mon père... mais celui-ci nous arrêta au carrefour de St-Angheau où nous attendait mon père... Le taxi ne fit pas le détour de 4 km aller-retour et nous partîmes à pied, en franchissant les congères. A l'arrivée à la maison, nous mangeâmes des bifteks d'une vache que mon père avait vendue à Léon Roux, le boucher, et il s'en était réservé un morceau pour juger de sa qualité... Mon père ne manqua pas de me faire remarquer qu'ils ne mangeaient pas toujours ainsi à " l'ostal " !

Cette histoire de congères me fait penser aux vacances du Mardi-gras (aucun rapport de durée avec celles d'automne et de neige d'à présent !). A Riom, le matin de la rentrée, le train Bort-Neussargues ne passa pas, il y avait, une fois de plus, des congères du côté de Lugarde... Je dus attendre le suivant et n'arrivai qu'en fin d'après-midi à Aurillac et au Lycée. Le censeur Tongas, que par ailleurs je ne veux pas accabler, ne crut pas à ma bonne volonté.

Et l'année s'écoula... le commencement d'une série d'années noires comme dit dans un de ses livres Jacques Mallouet. Il y avait certes, tous les lundis matin, le salut aux couleurs au pied du parvis du Lycée... le « Maréchal nous voilà », plus ou moins entonné..., mais nous étions en zone dite libre et il n'y avait pas encore trop de restrictions... et moins d'obligations dans le port des costumes de sortie, en dehors de la casquette.

Les beaux jours étaient arrivés. Une seule fois, je pus aller à la piscine. Je ne savais pas nager et accroché à la barre... quand je pus de l'eau m'en dégager, je me retrouvai cul nu..., le maillot de bain de mon grand oncle, Joan Bèl, retrouvé dans un tiroir, manifestement à ma taille n'avait pas été adapté...

L'année scolaire s'achevait, la saison des foins commençait... Mon père téléphona pour dire que je faisais besoin à la ferme et le censeur Tongas qui avait un côté humain, réfléchit et accepta... Ainsi, je partis le 20 juin sous réserve de revenir à la distribution des prix le 14 juillet ... Ainsi, durant toute ma scolarité, mon année scolaire fut d'une bonne quinzaine de jours et jusqu'à un mois, amputée... pour raison de travail aux champs, moins cependant que celles de mes parents et aïeux, euxqui n'allaient en classe que de Toussaint à Pâques.En partant d'Aurillac par le train, en passant dans les plaines d'Arpajon, je sentis l'odeur du foin et les larmes me vinrent aux yeux... J'étais né au mois de juin dans l'odeur du foin... Le lendemain, pour aller aider à la traite à notre estive, j'étais debout à 5 heures du matin. Je savais déjà que, le concours des bourses Deuxième série passé avec succès, même étant élève du Lycée, celles-ci à nouveau m'avaient été attribuées pour le Collège de Mauriac. Le principal, qui était aussi l'intendant, n'était pas homme à laisser échapper un client.

Tenant parole, avec ma mère, nous revînmes, même si le foin était sec... à la distribution des prix. Nous cassâmes la croûte sur un banc du Square mais, malade du voyage, je passai mon temps à regarder le bassin, les cygnes, le jet d'eau et la cascade.

J'eus comme premier prix d'histoire un livre : « mes journées de Juillet 1830 », un second prix de français : « Le père Goriot »... et un second prix de gym : le titre du livre, je ne m'en souviens pas...(il n'y était pas question des jeux olympiques !) et aussi quelques accessits... Ma mère regardait les professeurs en robe sur l'estrade et me voyait déjà, tel un avocat, faire le discours... Pauvre Maman ! je suis devenu professeur, c'est vrai, mais je n'ai jamais porté la robe et j'ai toujours réussi à échapper aux discours. Nous allâmes à la lingerie récupérer une paire de draps et des vêtements, au lavage quand j'étais parti prématurément... Le proviseur nous reçut aimablement et écrivit sur mon carnet : « Bon petit élève, que je suis admis à regretter ! ». A la rentrée, je gagnai le Collège de Mauriac, aujourd'hui Lycée Marmontel, avec le matricule 2 à la place du 21 pour faciliter la tâche en n'ayant qu'un chiffre à enlever, au lieu d'en avoir, pour le 210, un à broder.

A nouveau, et derrière un lourd portail, j'étais enfermé pour six longues années – années difficiles, années de guerre... mais finalement, en dehors des restrictions alimentaires, les choses ne se passèrent pas trop mal ! J'avais retrouvé mes amis de l'école primaire, dont Mallouet, et beaucoup d'autres du pays qui, pour moi, étaient plus

près de la terre que beaucoup d'autres du Lycée. La discipline y était aussi moins sévère. Il est vrai qu'au fil des années j'avais grandi et je m'étais aussi endurci...

Je ne me doutais pas, en quittant le Lycée E. Duclaux, que j'allais un jour y retourner et y enseigner, cette fois sans regret, pendant une bonne vingtaine d'années, et le quitter, une fois encore, pas sans regret !

Georges Maurice MAURY
Extrait du Bulletin de l'amicale (2012)