Le jour de la mort d’Hitler les lycéens manifestent !

hitlerUn monôme à Aurillac en 1945

J’aimerais préciser ici comment et pourquoi eut lieu à Aurillac, ce qui, à ma connaissance, apparaît comme le premier monôme étudiant en cette paisible préfecture.

Un matin de mai 1945, notre professeur de philosophie M. CZARNECKI , dès le premier cours matinal, nous harangua en nous apprenant la mort d’Adolphe Hitler. Il nous rappela , si besoin en était le sombre cortège des calamités de cette guerre dont nous étions en trai de vivre les derniers jours, et l’horreur que représentait le Führer et  le nazisme.

Un certain nombre des élèves présents en avaient souffert directement ou indirectement et nous nous souvenions en particulier de ceux du lycée qui venaient de mourir sous la torture (tel Jacques-Levy-Lambert) ou dans le maquis.

M. CZARNECKI nous exhorta à manifester, à tirer la ville de sa torpeur, à célébrer la mort du tyran avec la force nécessaire. Il ajouta : ”pour ma part, je n’assurerai pas mon cours aujourd’hui.”

Nous nous retrouvâmes ainsi  au début de l’après-midi  formant deux piquets de grève, l’un en haut de l’actuelle rue Henri Mondor, l’autre en haut de la rue Pierre Fortet. Puis, comme nous avions arrêté les ”petites classes“ en leur disant de rentrer chez eux, le Proviseur et le Censeur, alertés par des parents vinrent tenter de faire cesser cette première grève de lycéens. Ce fut alors aussi le premier dialogue d’un Proviseur et d’un élève à Aurillac.

Une heure après le Lycée de jeunes filles, rue Jules Ferry, était investi, envahi. Affolement de la direction, la mixité était fort mal vue à l’époque. Intervention des forces de l’ordre et poursuites dans les couloirs, les greniers et les sous-sols…

Le lendemain les élèves de Saint-Eugène, mis en congé par une direction avisée se joignirent aux lycéens et les deux groupes unis se dirigèrent vers la rue du collège. S’il n’y eut pas de problème avec les élèves de l’E.P.S., il n’en fut pas de même avec Sainte-Geneviève. J’ai le souvenir de la rue envahie par les potaches et du cordon de religieuses se tenant par le bras pour empêcher leurs élèves, massées derrière elles, de se joindre au mouvement… Soudain, sous la poussée le cordon fut rompu et les bonnes sœurs tourbillonnèrent dans la foule. Mai 68 avant la lettre…

C’est ensuite que nous formâmes le monôme avec quelques élèves déguisés en officiers nazis, un mannequin de paille dépouille d’Hitler, un drapeau à croix gammée destiné à être brûlé en place publique et un corbillard hippomobile prêté par les pompes funèbres. Le commissariat de police, prévenu et consentant nous délégua deux agents cyclistes à pèlerine.

Le cortège parti du Lycée allait sillonner les rues de la ville au grand étonnement des habitants. Mais au fur et à mesure les drapeaux surgirent aux fenêtres et les gens descendirent nous applaudir dans la rue.

Ensuite ? Ensuite l’administration exigea un mot signé des parents (souvent remplacés par un camarade complaisant) motivant cette… trop longue absence tout à fait injustifiée. Ainsi le règlement était-il respecté. Ainsi l’honneur était-il sauf.

Jean Garrigoux et Pierre Nugou.